Je publie avec l'accord de mon fils Vivien, les lettres journalières que je lui ai adressées. Cela est probablement une forme d’exhibitionnisme, mais aussi un partage thérapeutique.

samedi 23 avril 2016

Première lettre



   Mon fils, cela fait presque une semaine qu’une nouvelle nous a heurtés de plein   fouet. Elle est moins traumatisante que l’arbre que tu as embrassé, mais elle nous laisse sans force et avec une conscience exacerbée de ton état et de notre douleur.
Tu n’es pas conscient de la gravité de tes blessures, actuellement tu ne sais pas que tu existes. La notion de  vie  n’a plus aucune signification, la notion de mort aussi, pourtant elle plane tous les jours au-dessus de toi et attend la moindre faille pour t’arracher de ses noires serres et t’emmener je ne sais où. Pourtant toi seul possède le pouvoir de revenir parmi nous et de niquer la mort.
Mais peut-être aussi que maintenant tu connais nos deux mondes, celui bien présent et celui dont nous, simples mortels, ignorons même les contours, ce qui ne nous empêche pas de nous taper sur la gueule à cause de la différence d’interprétation que nous pouvons nous faire de ces mondes. Tu es peut-être déjà attiré par ce monde inconnu et tu n’oses pas franchir la frontière de peur de nous abandonner. Tu es libre, et toi seul peut décider de ton avenir. D’accord, nous t’avons un peu débranché afin que tu ne te précipites pas la tête la première vers un avenir qui nous dépasse. Que veux-tu, nous ne te lâcherons pas la grappe aussi facilement. Ne serait-ce que Ninon qui est prête à te ramener avec toute la hargne que tu lui connais.
D’ailleurs toi qui as toujours voulu avoir des supers pouvoirs, maintenant tu en as. Tu doutes ! Pour empêcher ta sœur de travailler, mettre ton père en arrêt de travail, et bloquer la trousse de maquillage de ta mère, n’est-ce pas des pouvoirs surnaturels. Si t’insistes, je pense que ta mère peut profiter encore de ta force de persuasion.

Sinon ici la vie n’est pas rose. A moins qu’elle le soit, alors nous sommes embrochés sur ses épines. Tu nous manques.
Je ne sais pas, si un jour tu liras ou même entendra, sous la dictée, ces quelques  pages. Mais si cela arrive, cela voudra dire que notre souffrance n’a pas été vaine.
Tous les jours, nous attendons quinze heures afin de téléphoner aux médecins pour qu’ils nous livrent ton bulletin de santé. Et oui comme tu l’as deviné nous ne sommes pas à tes côtés.  Quand tu fais les choses, tu ne les fais pas à moitié. Tu es hospitalisé à Marseille. De plus tu es dans le coma, doublé d’un coma artificiel. Alors lorsque nous sommes là, tu ne t’aperçois pas de notre existence. Donc pour l’instant nous avons fait le choix de rester près des personnes qui daignent s’apercevoir de notre présence. Nous ne t’abandonnons pas. Nous gardons nos forces pour plus tard. Tu risques d’avoir besoin de nous pour d’aider à te réadapter à la vie terrestre. (De toute façon, notre présence aurait pu t’être fatale)
Je viens d’entendre ta mère tousser. Il faut qu’elle arrête de fumer. Sinon à ce rythme-là, elle sera partie avant que tu sois revenu entièrement. Tu ne pourras que t’appuyer sur moi, et je ne suis pas sûr d’être assez solide, même avec le soutien de Jean et d’Anneso. S’il te plait, use de tes supers pouvoirs pour contraindre ta mère à arrêter de fumer.
Hier tu as passé un scanner. Ton petit frère t’a imité. Je crois même qu’il a imité ton coma. Il a dit qu’il avait la tête qui tournait et s’est endormi. Urgence et tout le tintouin ont été la suite « logique » de cet incident. Ne t’inquiète pas, il va bien. Par contre il fait aussi dans la simplicité. La nounou n’avait pas de voiture, Anneso était à Amiens, moi à Fécamp. T’imagine le bordel que cela a été. Evidemment Sylvianne et Caro sont intervenues telles Zorro avec son grand chapeau.
Aujourd’hui, mardi 06/01/2015, ton PIC est presque stabilisé avec en prime un peu moins d’anesthésiant. Et pour nous faire chier, tu as un peu de fièvre. Nous n’avons maintenant que la patience pour nous servir d’espoir. Demain à quinze heures, nous aurons ton bulletin de santé communiqué par téléphone.

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