lundi 12 janvier 2015
Je ne t’ai pas oublié
mon fils. Des contraintes ont lié mes mains. J’ai consulté notre médecin afin
d’avoir un arrêt de travail et accessoirement lui parler de ma hernie. J’ai une
hernie, juste au-dessus à gauche de la
Zigounette. Elle est opérable. Mais si elle est gentille, elle attendra que tu
ailles mieux. Je n’aimerais pas être bloqué.
J’attends avec
impatience de tes nouvelles. Celles d’hier étaient passablement bonnes,
c’est-à-dire sur la voie espérée. Il est 14h59, ta mère doit être en train d’appeler.
Donc incessamment sous peu, dans peu de temps, dans une poignée de minutes,
j’aurai de tes nouvelles.
L’attente du coup de
fil assèche mon imagination et je me sens tout con de t’écrire. Et toi
peut-être tout con de lire.
Gwenaëlle, la nounou
est là. Sa présence me permet de me reposer et aussi de préserver les enfants,
car la patience a déserté devant la souffrance. A moins que ses qualités
n’aient déjà été réquisitionnées dans le
but de me soutenir le moral pendant ta longue guérison.
Ta sœur Ninon est en examen : des partiels. Elle a
réussi à réviser. Je ne sais pas où elle a puisé la force, en tout cas ce n’est
pas chez son père qui est aussi mou que le sexe d’une vieille limace sous
bromure.
Toujours pas de
nouvelles. Pas de nouvelles, bonnes nouvelles disaient mes ancêtres. A cette
époque, âge d’or de la lettre et du télégramme, l’arrivée impromptue d’une
missive était pareille à un oiseau de mauvais augure. Exemple :
Mémé morte stop
enterrement demain stop Pépé parti avec héritage stop.
Quelquefois le
télégramme arrivait après :
Raté train stop prend
suivant stop
Maintenant à l’ère du
portable, Pépé se barre avec l’héritage en laissant Mémé se les geler dans le
congel. Evidemment il envoie un texto qu’il tape difficilement à cause d’un
début de Parkinson : comme tous les printemps, nous sommes en cure à
Lamalou-les-Bains. Mémé vous embrasse.
J’ai eu de tes
nouvelles. Jean m’a appelé, ta mère s’est endormie. (Je te rejoins dans ton coma….). J’ai donc contacté le service de
réanimation.
Ils ont retiré les
anesthésiques. Hier tu as beaucoup baissé en pression. Je connais la responsable de cette baisse
subite : ta mère, elle t’a caressé et embrassé. Tous les deux vous êtes
extraordinaires : tu obliges ta mère à arrêter de fumer, elle t’oblige à
baisser en pression, et tout cela vous le faites par amour, c’est- y pas beau
ça.
J’exulte, mais ta
pression recommence à grimper. Peut-être qu’ils vont te recoller une dose dans
le sang.
Si tu es « addict »
aux anesthésiants, parles-en aux médecins, ils sont là pour ça. Mais arrête de
prendre ta dose en catimini, et ce n’est pas la peine de planquer une seringue sous
ton oreiller, je t’ai vu. Si tu veux, je t’inscrirai à une thérapie de groupe
où tu pourras boire autant de pressions
que tu le désires sans qu’on t’anesthésie à chaque gorgée. Il arrive parfois
que de trop nombreuses goulées aient le même effet : le coma éthylique.
Bisous.
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