Je publie avec l'accord de mon fils Vivien, les lettres journalières que je lui ai adressées. Cela est probablement une forme d’exhibitionnisme, mais aussi un partage thérapeutique.

jeudi 28 avril 2016

Septième lettre



lundi 12 janvier 2015

Je ne t’ai pas oublié mon fils. Des contraintes ont lié mes mains. J’ai consulté notre médecin afin d’avoir un arrêt de travail et accessoirement lui parler de ma hernie. J’ai une hernie,  juste au-dessus à gauche de la Zigounette. Elle est opérable. Mais si elle est gentille, elle attendra que tu ailles mieux. Je n’aimerais pas être bloqué.
J’attends avec impatience de tes nouvelles. Celles d’hier étaient passablement bonnes, c’est-à-dire sur la voie espérée. Il est 14h59, ta mère doit être en train d’appeler. Donc incessamment sous peu, dans peu de temps, dans une poignée de minutes, j’aurai de tes nouvelles.
L’attente du coup de fil assèche mon imagination et je me sens tout con de t’écrire. Et toi peut-être tout con de lire.
Gwenaëlle, la nounou est là. Sa présence me permet de me reposer et aussi de préserver les enfants, car la patience a déserté devant la souffrance. A moins que ses qualités n’aient  déjà été réquisitionnées dans le but de me soutenir le moral pendant ta longue guérison.
Ta sœur Ninon  est en examen : des partiels. Elle a réussi à réviser. Je ne sais pas où elle a puisé la force, en tout cas ce n’est pas chez son père qui est aussi mou que le sexe d’une vieille limace sous bromure.
Toujours pas de nouvelles. Pas de nouvelles, bonnes nouvelles disaient mes ancêtres. A cette époque, âge d’or de la lettre et du télégramme, l’arrivée impromptue d’une missive était pareille à un oiseau de mauvais augure. Exemple :
Mémé morte stop enterrement demain stop Pépé parti avec héritage stop.
Quelquefois le télégramme arrivait après :
Raté train stop prend suivant stop
Maintenant à l’ère du portable, Pépé se barre avec l’héritage en laissant Mémé se les geler dans le congel. Evidemment il envoie un texto qu’il tape difficilement à cause d’un début de Parkinson : comme tous les printemps, nous sommes en cure à Lamalou-les-Bains. Mémé vous embrasse.
J’ai eu de tes nouvelles. Jean m’a appelé, ta mère s’est endormie. (Je te rejoins dans ton coma….). J’ai donc contacté le service de réanimation.
Ils ont retiré les anesthésiques. Hier tu as beaucoup baissé en pression. Je  connais la responsable de cette baisse subite : ta mère, elle t’a caressé et embrassé. Tous les deux vous êtes extraordinaires : tu obliges ta mère à arrêter de fumer, elle t’oblige à baisser en pression, et tout cela vous le faites par amour, c’est- y pas beau ça.
J’exulte, mais ta pression recommence à grimper. Peut-être qu’ils vont te recoller une dose dans le sang.
Si tu es « addict » aux anesthésiants, parles-en aux médecins, ils sont là pour ça. Mais arrête de prendre ta dose en catimini, et ce n’est pas la peine de planquer une seringue sous ton oreiller, je t’ai vu. Si tu veux, je t’inscrirai à une thérapie de groupe où tu pourras boire autant de pressions que tu le désires sans qu’on t’anesthésie à chaque gorgée. Il arrive parfois que de trop nombreuses goulées aient le même effet : le coma éthylique.
Bisous.

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