Je publie avec l'accord de mon fils Vivien, les lettres journalières que je lui ai adressées. Cela est probablement une forme d’exhibitionnisme, mais aussi un partage thérapeutique.

dimanche 24 avril 2016

Troisième lettre



Jeudi 08/01/2015

Bien dormi ?
Pas de réponse. Dans la vie courante, nous avons de drôles d’usages qui nous permettent d’introduire une conversation, ou tout simplement acquiescer le fait que nous nous sommes croisés. Ces derniers temps, tu es évasif. Tes propos sont inconsistants et inaudibles. Le son de ta voix et la musique de ta pensée ne nous atteignent pas. Pourtant je me surprends à essayer d’étendre des antennes virtuelles afin de capter tes ondes. Pour l’instant cela n’a rien donné. J’ai juste vu mon image encastrée dans les falaises d’Etretat.
Moi, j’ai bien dormi. Je reconnais que je me dope. Une petite pilule miracle avant de me coucher et ma souffrance s’atténue comme la rosée au soleil, un petit soleil picard. De plus elle m’anesthésie une partie de la journée. Malheureusement d’ailleurs, car la partie qui n’est pas sous l’effet est horrible et d’une longueur à faire trembler Chronos. Hier après avoir reçu ton bulletin de santé journalier, je me suis écroulé. Pourtant il n’était pas pire ni meilleur que les précédents.
Ta maman a dormi avec Ninon mardi soir, et hier soir Gwendal a pris la relève. Ninon souffre de ton absence, et surnage difficilement. Mais elle s’accroche et compte descendre pour t’engueuler. Elle est très en colère après toi. Je te préviens gentiment. A ta place je mettrais un casque, car elle risque de t’en décrocher une.

Il y a une semaine nous pensions te trouver réveillé ou endormi naturellement. Quel fut notre désarroi de te trouver dans un coma profond à la limite de la mort. Nous avons tenu le choc, mais s’il te plait évite ce genre de surprise. Ou envoie nous un texto, mais sincèrement nous n’apprécions pas ta partie de cache-cache : se cacher derrière un coma, mon gamin, est un manque de fairplay.
Anneso vient de rêver de toi. Tu avais fugué, et tu revenais. Petit rêve plein d’espoir.
Hier, la rédaction de Charlie hebdo a été décimée par des terroristes.
Les enfants se réveillent, du moins Antonin, qui profite de mon absence de la chambre pour reconquérir sa mère qui l’a lâchement abandonné hier soir.
Bisous.

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