lundi 16 février 2015
Tous les soirs,
lorsque nous te laissons seul dans ta chambre, l’angoisse qui hante ton visage
nous éclabousse. Nous repartons le cœur lourd de t’abandonner. Nous savons que
la nuit tu te réveilles angoissé et complètement paumé. Ton coma et tes
nombreuses anesthésies t’interdisent d’analyser la situation comme nous autres
qui dormons dans un lieu choisi.
Tous les soirs,
lorsque nous te laissons seul dans ta chambre, tu t’inquiètes que nous ne
revenions pas le lendemain. Pourtant, nous te rassurons sur notre présence quotidienne, mais tu paniques. Tu as peur. Il
y a une semaine que tu as pris conscience du monde qui t’entoure. Et quel monde !
Un monde hospitalier inhospitalier. Un monde fait de tuyaux, d’écrans,
d’alarmes, de perfusion, de personnel soignant qui change quotidiennement… alors
que le dernier souvenir que tu as, est probablement un Vivien en bonne santé.
Comment ne pas être envahi par un sentiment d’abandon ?
Hier, tu étais abattu.
En plus tes veines allergiques aux aiguilles se carapatent lorsqu’elles les
voient arriver. Pendant ce temps tu souffres le martyr, car l’aiguille
farfouille partout sous ta peau afin d’attraper une veine et de la transpercer
de sa haine. Malheureusement l’infirmier ne réalise pas qu’un règlement de
compte se déroule à quelques millimètres de ses doigts. Au lieu d’appeler à la
rescousse un personnel compétent, il insiste lourdement. L’insistance ne sert
que ta souffrance.
Puis une deuxième
infirmière tente de régler le conflit entre l’aiguille et les veines. Que
nenni. Tu souffres une deuxième fois.
Par contre, tu as
résisté stoïquement deux longues fois à la souffrance.
Epuisé par la
souffrance, tu t’effondres dans nos bras. Ce qui n’est pas une mince affaire.
Ta mère et moi avons pris des cours de contorsion afin de nous coller à toi.
Quand tu n’as pas le moral, tu recherches un contact physique. Et nous arrivons
tant bien que mal à épouser les formes de ton corps, sans t’écraser, sans
arracher la perfusion, sans tordre ton bras cassé, sans arracher ta sonde
urinaire et sans nous casser la gueule de la chaise ou du lit. Lors de notre
retour au bercail, nous nous manipulons mutuellement afin de remettre tous les
morceaux de notre corps et de notre mental en place.
J’espère qu’il n’y
aura pas de problème pour toi. Car n’ayant pas de perfusion, il sera beaucoup
plus difficile de te soigner dans l’urgence.
Tous les soirs lorsque
nous te laissons seul dans ta chambre, nous avons peur de ne pas t’y retrouver
le lendemain.
Tous les soirs lorsque
nous te laissons seul dans ta chambre, nous craignons qu’un nouvel hématome
envahisse encore une fois ta boite crânienne.
Tous les soirs lorsque
nous te laissons seul dans ta chambre, nous attendons avec impatience le
lendemain afin de te retrouver.
Nous sommes le lendemain
Bisous.
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